Comme des trains dans la nuit

Les acteurs de ces quatre nouvelles vont par deux, l'âme en peine. Duos de solitaires qui se frottent l'un à l'autre et parfois s'y piquent. La première nouvelle éponyme du titre est inspirée d'un fait-divers. Marc le narrateur, fils d'agriculteurs, raconte a posteriori comment, engourdi par la musique, l'alcool, les joints fumés dans la vieille 205 de Ryan - un jeune débarqué de la banlieue lyonnaise - , il s'est laissé glisser dans la criminalité, jouant à incendier les fermes de la région, une violence d'autant plus terrifiante qu'elle est gratuite. Dans " Loin des hommes ", texte délicat et tendre, le timide Tony a préparé pour Naïma, son amie d'enfance, un après-midi particulier au bout duquel ils découvrent ensemble l'amour physique." Nirvana " dresse le sombre portrait d'un couple d'hommes drogués échoués à Londres. L'annonce de la mort de Kurt Cobain les pousse vers la National Gallery où les tableaux de Constable et de Turner les renvoient à leurs sentiments profonds. Ce sera pour l'un d'eux la révélation que l'art est une issue possible à l'enfer.Dans " La Forge ", deux cousins subissent l'emprise d'un homme grossier et violent (père de l'une, oncle de l'autre) qui tyrannise les siens depuis des années. Julien va se révolter en découvrant le terrible secret qui a poussé sa cousine à vouloir se suicider. Ensemble ils fuient vers Paris, alors que débute mai 68. La réalité sociale (quatre lieux et époques précis) est mise en résonance avec la détresse, la rage, l'humiliation de ces ados en équilibre précaire. L'auteure qui dresse des portraits fouillés, sensibles, sans pathos, laisse au lecteur sa part d'interprétation, lui soufflant en douceur que certains choix font grandir.