Folk

Lorsqu'au début des années 1940, Woody Guthrie écrit This Land Is Your Land en réponse à l'emphase patriotique de God Bless America, l'hymne officieux des Etats-Unis composé vingt ans plus tôt par Irving Berlin, c'est, à travers lui, toute l'Amérique des laissés-pour-compte qui trouve une voix. Dans les veines de ce chanteur et guitariste originaire de l'Oklahoma coule du sang indien. Dans son art dépouillé et humaniste s'expriment à la fois la douleur et l'espoir de ceux que l'Amérique conquérante voudrait reléguer dans un angle mort : Noirs, immigrés mexicains, paysans pauvres, protestataires et marginaux de tous poils. Guthrie s'inspire des premiers enregistrements de blues, de gospel et surtout de ce folk rustre des Appalaches qui était déjà à la fin des années 1920, cet épouvantail venu des montagnes et que Greil Marcus qualifiera près d'un demi-siècle plus tard de "old weird America", cette "vieille Amérique étrange." Le folk est donc la musique des gens ("folks") mais il est surtout le langage universel de la fraternité humaine confrontée à l'arbitraire des pouvoirs. Il est aussi ce genre musical aux frontières sans cesse élargies dont le dénominateur commun à travers les époques semble être de tenir grâce à sa prédilection pour les sonorités naturelles, acoustiques. C'est d'ailleurs en trouvant la prise électrique que l'un des messies de la jeune génération folk des années 1960, Bob Dylan, sera un temps considéré comme un traître. En 2009, le folk est partout. A la télévision, au cinéma, dans la publicité - où l'on loue ses vertus apaisantes et consensuelles, un comble pour une musique qui fut longtemps considérée comme une mine de souffre contestataire. Et tandis que la jeunesse internationale joue du folk comme si cette musique était l'éternelle jouvencelle d'avant la standardisation du rock, les mythes encore bien vivants que sont Dylan, Leonard Cohen ou Neil Young font salles combles et transcendent les générations.