Hip-hop

En choisissant de se baptiser The Last Poets, un célèbre groupe de Harlem n'aura pas seulement posé les bases du hip-hop avec dix ans d'avance, il en aura aussi déterminé la vocation : devenir, dans les zones urbaines de la fin du XXe siècle la dernière poésie possible. Celle du combat, de la survie, du désir émancipateur, des droits civiques et de la chronique sociale. Rarement une musique adossée à une autre - le funk - sera parvenue à un tel cheminement, artistique et commercial. Directement inspiré des sound systems jamaïcains pour la souplesse de ses moyens et son expression directe, festive et brutale, le rap a mis le second coup de pied au cul des musiques populaires à la fin des années 1970, juste derrière le punk. Pas étonnant qu'un groupe comme The Clash y ait puisé immédiatement de quoi aviver d'autres flammes de son combat rock incendiaire. Le hip-hop, mouvement d'expression globale comprenant la musique, l'écriture, la danse et l'art pictural, aurait pu rester cloisonné à l'intérieur des frontières des ghettos, dans le Bronx ou en Seine-Saint-Denis, se figer en une espèce de folklore du malaise occidental. En devenant au cours des années 1990 le plus juteux des marchés de l'industrie musicale aux Etats-Unis (et l'un des plus puissants en France), il a imposé ses règles, son modèle économique, bâti ses fortunes, joué à fond sa carte de la diversification dans les fringues et le spectacle. Fruit d'une aventure collectiviste, il est devenu à l'échelle de la musique le parangon du libéralisme sauvage et de l'individualisme, en tout cas à travers sa vitrine la plus bling-bling, mais ni plus ni moins que le rock, et avec sans doute moins de complexes et d'hypocrisie.